Les nouveaux sites Internet de partage de vidéo, tels Youtube ou Dailymotion, regorgent de scènes de lapidation de femmes iraniennes ayant commis un adultère ; nos chaînes télévisées et nos journaux, d’articles rapportant l’histoire de jeunes filles condamnées à être pendues, pour avoir eu des rapports physiques avant le mariage. La femme de l’Iran de la République islamique est effectivement associée à la sexualité en même temps qu’on tend perpétuellement à l’en dissocier. Tel est le grand paradoxe : au plus la femme est vertueuse d’un point de vue religieux, au plus elle voit de la sexualité là où une occidentale ne l’aurait pas vue : au plus elle va loin dans la volonté d’être islamiquement vertueuse, dans la façon de se vêtir par exemple, au plus elle crée un rempart contre l’inspiration sexuelle qu’elle porte en elle. Se couvrir des pieds à la tête, c’est avoir une conscience quasi obsessionnelle de son caractère sexuel, et n’être plus réduit qu’à lui. C’est notamment la raison pour laquelle nos esprits occidentaux sont choqués en observant des enfants de cinq ans porter le voile. A cinq ans, ces enfants portent en elle leur potentialité à la sexualité, alors que le monde de la sexualité est sensé leur être consciemment étranger…
Les femmes d’Iran commence à prendre en considération ce paradoxe, et sous ce paradoxe, commencent à envisager la nouvelle contradiction dans laquelle elles s’enferment : beaucoup d’entre elles font désormais du voile une arme pour se protéger, non pas d’une sanction divine, mais du nouvel ordre social.
Alors qu’à l’heure du Shah, les femmes manifestaient pour revendiquer leur droit de porter le voile, elles se voient aujourd’hui forcées de porter le hidjab[1]. Ces femmes qui, par solidarité avec les sœurs pratiquantes, manifestaient, coiffant le voile, sont désormais obligées de cacher leur cheveux. La révolution islamique a fait du port du voile et du manto (tunique islamique recouvrant le corps du cou aux genoux, portée sur un pantalon) la seule tenue islamique autorisée. Les plus pratiquantes allant jusqu’à rajouter un tchâdor à cette tenue. La révolution religieuse n’entend bien entendu pas qu’une révolution vestimentaire, elle tend à instaurer un nouvel ordre social : les différences sociales ne doivent plus se calquer que sur une distinction entre le « bon » et le « mauvais » musulman. Les postes de l’administration et de l’enseignement (c’est d’ailleurs une très bonne stratégie pour le maintien d’un tel régime) requiert une observance respectueusement des règles religieuses. Or, on ne peut pas tout contrôler de l’observance ; on peut seulement examiner le respect de règles qui requiert une visibilité. Le port de voile en est. Et beaucoup de femmes, pour éviter les contrôles désobligeants, ou pour s’octroyer des privilèges réservés aux plus observants, font du tchâdor une arme. Convenons que cette stratégie ne pourra jamais faire avancer la conditions des iraniennes dans le sens qu’elles escomptent, cependant pour beaucoup d’entre elles cette manœuvre est salutaire.
« Je ne suis pas mariée à mon ami Davoud, nous dit Shahla, étudiante en droit de 21 ans. Je ne suis pas très pratiquante, mais quand je veux sortir avec Davoud, je mets un tchâdor. Ainsi, les policiers, pensant que je suis religieuse, ne se posent pas de questions : si je suis religieuse et accompagnée, c’est que je suis soit avec mon mari, soit avec un homme de ma famille. Et puis, au-delà de ça, c’est très inconvenant d’être suspicieux vis-à-vis de quelqu’un de religieux. Religieux rime avec sagesse. Quelle offense de vouloir contrôler une bonne musulmane ! »
On compte beaucoup de Shahla dans les rues de Téhéran. Certaines s’en cachent même assez peu. Cette nouvelle pratique contradictoire, considérée comme infamante à ses débuts, puisque teintée d’une lâcheté face à ses propres convictions politiques, devient une toute nouvelle force. « On voit dans le regard de certains policiers qu’ils ont compris notre jeu… mais que peuvent-ils faire ? » ajoute Shahla. Le tchâdor offre tranquillité, ouverture à certains postes, et même… jubilation. Un nouveau moyen de contourner les règles par les règles. Ces dernières années, il n’est d’ailleurs plus étonnant de voir défiler dans les rues de Téhéran, des visages très maquillés portant le tchâdor. Alors que le tchâdor était l’apanage des religieuses, alors qu’il permettait de faire la différence entre celles qui portait publiquement leur dévotion et celles qui ne portaient qu’un voile, et le poids des obligations du régime ; à présent, il est une arme. Cette arme confronte les gardiens du régime à une réalité incontournable et incontrôlable : l’impénétrabilité de la conscience. On n’a plus peur de Dieu, seulement de la police, les femmes ont bien compris que les policiers ne pouvaient pas contrôler ce qu’il y avait sous le voile : souvent un rejet du religieux dont ils sont eux-mêmes la source. Le voile reste une arme masculine de soumission féminine, mais devient aussi, malheureusement pour le déséquilibre du régime que pourraient engager l’action au détriment de la pensée, une arme sociale désormais féminine.
Les femmes d’Iran commence à prendre en considération ce paradoxe, et sous ce paradoxe, commencent à envisager la nouvelle contradiction dans laquelle elles s’enferment : beaucoup d’entre elles font désormais du voile une arme pour se protéger, non pas d’une sanction divine, mais du nouvel ordre social.
Alors qu’à l’heure du Shah, les femmes manifestaient pour revendiquer leur droit de porter le voile, elles se voient aujourd’hui forcées de porter le hidjab[1]. Ces femmes qui, par solidarité avec les sœurs pratiquantes, manifestaient, coiffant le voile, sont désormais obligées de cacher leur cheveux. La révolution islamique a fait du port du voile et du manto (tunique islamique recouvrant le corps du cou aux genoux, portée sur un pantalon) la seule tenue islamique autorisée. Les plus pratiquantes allant jusqu’à rajouter un tchâdor à cette tenue. La révolution religieuse n’entend bien entendu pas qu’une révolution vestimentaire, elle tend à instaurer un nouvel ordre social : les différences sociales ne doivent plus se calquer que sur une distinction entre le « bon » et le « mauvais » musulman. Les postes de l’administration et de l’enseignement (c’est d’ailleurs une très bonne stratégie pour le maintien d’un tel régime) requiert une observance respectueusement des règles religieuses. Or, on ne peut pas tout contrôler de l’observance ; on peut seulement examiner le respect de règles qui requiert une visibilité. Le port de voile en est. Et beaucoup de femmes, pour éviter les contrôles désobligeants, ou pour s’octroyer des privilèges réservés aux plus observants, font du tchâdor une arme. Convenons que cette stratégie ne pourra jamais faire avancer la conditions des iraniennes dans le sens qu’elles escomptent, cependant pour beaucoup d’entre elles cette manœuvre est salutaire.
« Je ne suis pas mariée à mon ami Davoud, nous dit Shahla, étudiante en droit de 21 ans. Je ne suis pas très pratiquante, mais quand je veux sortir avec Davoud, je mets un tchâdor. Ainsi, les policiers, pensant que je suis religieuse, ne se posent pas de questions : si je suis religieuse et accompagnée, c’est que je suis soit avec mon mari, soit avec un homme de ma famille. Et puis, au-delà de ça, c’est très inconvenant d’être suspicieux vis-à-vis de quelqu’un de religieux. Religieux rime avec sagesse. Quelle offense de vouloir contrôler une bonne musulmane ! »
On compte beaucoup de Shahla dans les rues de Téhéran. Certaines s’en cachent même assez peu. Cette nouvelle pratique contradictoire, considérée comme infamante à ses débuts, puisque teintée d’une lâcheté face à ses propres convictions politiques, devient une toute nouvelle force. « On voit dans le regard de certains policiers qu’ils ont compris notre jeu… mais que peuvent-ils faire ? » ajoute Shahla. Le tchâdor offre tranquillité, ouverture à certains postes, et même… jubilation. Un nouveau moyen de contourner les règles par les règles. Ces dernières années, il n’est d’ailleurs plus étonnant de voir défiler dans les rues de Téhéran, des visages très maquillés portant le tchâdor. Alors que le tchâdor était l’apanage des religieuses, alors qu’il permettait de faire la différence entre celles qui portait publiquement leur dévotion et celles qui ne portaient qu’un voile, et le poids des obligations du régime ; à présent, il est une arme. Cette arme confronte les gardiens du régime à une réalité incontournable et incontrôlable : l’impénétrabilité de la conscience. On n’a plus peur de Dieu, seulement de la police, les femmes ont bien compris que les policiers ne pouvaient pas contrôler ce qu’il y avait sous le voile : souvent un rejet du religieux dont ils sont eux-mêmes la source. Le voile reste une arme masculine de soumission féminine, mais devient aussi, malheureusement pour le déséquilibre du régime que pourraient engager l’action au détriment de la pensée, une arme sociale désormais féminine.
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