Tout commence par des évidences : la violence de la manœuvre israélienne et le caractère illégal d’une entreprise en eaux internationales rendent les constats accablants pour Israël. L’Etat était à quelques heures de la légalité, ce qui nous permet d’avancer, d’une façon qui ne laisse aucune place à l’ambigüité, que cette opération israélienne doit être considérée comme un acte de piraterie. Du fait de la seule responsabilité des forces armées israéliennes, les passagers du navire turc étaient entièrement dans leur droit s’ils usaient de la violence et même s’ils l’initiaient – ce qui a certainement dû être le cas d’ailleurs – à considérer que le manquement au respect des délimitations maritimes internationales est à envisager sous l’angle d’une initiative offensive.
Voilà ce qui devait être avancé pour reprendre les vérités de surface. Celles qui se voient et donnent le départ de réactions à chaud, du citoyen du monde isolé, comme du représentant du plus grand des Etats. Maintenant que l’événement est vieux de deux jours, on apprend plusieurs choses qui colorent de nuances le caractère inhumain de l’affaire : d’abord, la flottille turque pro-palestinienne n’avait pas uniquement des objectifs humanitaires. L’explication, ou plutôt, le détail de cette dernière remarque nous fera d’ailleurs déborder sur un autre élément qui manquait jusqu'alors de visibilité : le départ de la flottille vers la bande de Gaza était, du fait même de sa volonté d’outrepasser la réglementation liée au blocus établi et reconnu, intrinsèquement politique. Cette entreprise pro-palestinienne était connue de forces militaires israéliennes avant même le départ de l’embarquement, et n’avait pas été saluée. Israël avait prévenu la flottille que le caractère politique en deçà de la vitrine humanitaire entrait en contradiction avec les dispositions engagées par le blocus. Les choses n’ont pas été entendues. Alors oui, il s’agissait bien d’apporter une aide aux gazaouites embourbés dans tous les problèmes auxquels on peut être confronté quand on fait l’objet d’un blocus qui dure depuis trois ans, mais, acceptons de poser les mots nécessaires à un peu de transparence : cet objectif n’était que très secondaire. La volonté première était de mettre Israël dans la position la plus inconfortable qui soit : montrer sa faiblesse en mettant fin, en un trajet, au blocus établi, ou alors, avoir l’opinion internationale à dos, du fait d’une réponse militaire très prévisible, pour assurer la pérennité du blocus.
Israël est tombé dans le piège : la totale responsabilité des actes de violence lui incombe, oui, mais non pas en tant que « terroriste d’Etat », (comme on peut l’entendre dire dans des milieux qui, plongés depuis toujours dans ce qu’ils dénoncent pourtant, n’ont pas vraiment idée du sens que peuvent avoir ces termes) mais en tant que victime politique. Victime politique, à considérer, bien évidemment, le blocus comme légitime.
Alors ici, il ne s’agit pas de défendre un camp plutôt que l’autre. Il s’agit bien plutôt de rétablir un équilibre que le manichéisme qui colore les propos scandés par les pro-palestiniens, et par les pro-israéliens, ne permet pas. Il s’agit, au risque d’être prise entre les fers des uns, et des autres, d’expliquer sans entrer dans les profondeurs chronologiques, mais bien plutôt dans les profondeurs des subtilités politiques, que les entreprises violentes et gratuites sont des non-sens politiques. La gratuité était donc à reconsidérer. Et s’il fallait effectivement mettre le doigt sur un élément plus chronologique pour donner plus de consistance à la volonté de transparence, nous n’aurons qu’à dire que le retrait des troupes Israéliennes de la scène de Gaza en 2005, avait laissé des acteurs jouer l’histoire sanglante d’un Hamas chassant violemment le Fatah. D’un Hamas et d’un Fatah n’ayant pas besoin des oppresseurs israéliens pour s’entretuer comme s’ils jouaient Etéocle et Polynice, les frères d’Antigone, qui se haïrent au point de devenir physiquement méconnaissables. Israël avait donc décidé de fermer les rideaux, de reprendre le contrôle de la zone. L’idée de blocus est coextensive à l’idée de contrôle, et la légitimité de cette coextensivité avait d’ailleurs été saluée par des pays arabes comme l’Egypte. Le blocus n’est pas qu’une volonté israélienne d’affirmer son empire territorial, c’est aussi un rempart, pour certains pays arabes, contre l’islamisme politique. Et si l’épisode de la flottille est notamment condamné par l’Egypte, compagnon stratégique pourtant, c’est parce que la région sait pertinemment que la seule solution pour endiguer le danger que présenterait des politiques islamistes, c’est la création d’un Etat Palestinien. Or, le récent événement semble se mettre en travers d’un processus qui, en temps normal, constitue déjà un défit périlleux.
Commentaires
Interrésant de marquer le coup.
pour moi c'est un non événement dans les relations Israélo-Palestiniennes, c'est une histoire de plus.
LA question du Blocus est de faible importance historique quand on sait que les habitants de Gaza sont enfermé au nord ( Israël) et au sud, Égypte), qu'ils ne vivent pas de famine et qu'il sont sous l'œil attentif de la communauté internationale et du Monde Arabe entier.
ce qui es nouveau c'est l'entrée de la Turquie dans le Théâtre tragique. cette incursion temporaire, sous couvert de mission humanitaire ne restera pas une tragédie mais un moyen usé par les Islamistes Turcs pour forcer les militaires ( laïcs ) à couper les ponts avec Israël. La collaboration militaire étroite initiée depuis longtemps avant Erdogan, gène.
l'assaut de la flottille battant pavillon Turc va émouvoir les masses turc qui vont certainement vous rompre toute relation avec Israël.
ce n'est pas la première fois que les religieux turcs utilisent l'occident pour faire avancer un dossier intérieur, il y a 15 ans les femmes turcs voilées humiliées par les occidentaux avaient permis à aux tchador de revenir dans l'Université pourtant laïque, héritage d'ATATURK.
Cet évènement nul pour les palestiniens et israéliens, voit naitre un axe TURCO-IRANIEN, structure forte et cohérente, qui annonce une nouvelle carte des relations au proche et moyen Orient.
-Les KURDES d'IRAK vont se retrouver encerclés, quelle souveraineté pour leur territoire à terme si les USA se retirent?
-Les turcs soutiennent, avec le Brésil d'ailleurs, la bombe A Iranienne en soutenant leur approvisionnement en pétrole.
-L'Arabie saoudite s'éloigne doucement des USA en équilibrant ses relations avec la Russie et l'Allemagne, un axe Turco-iranien est une force menaçante pour les sunnites, la prudence est de règle.
- l'influence des USA baisse donc dans la région, Israël seul et dernier pion mobile, risque de perdre sa souveraineté, et sa vie, en déclenchant une guerre contre l'Iran , pour déséquilibrer le jeu qui se met en place.
-Les puissance comme le Brésil et la Russie et la Chine vont gagner sur un espace libéré de l'influence US. C'est dur pour Obama...
-et la France??
"-Les turcs soutiennent, avec le Brésil d'ailleurs, la bombe A Iranienne en soutenant leur approvisionnement en URANIUM" et non pétrole...
la question du pétrole concerne les Kurdes d'Irak qui ont de belles réserves
Quand vous dîtes "les entreprises violentes et gratuites sont des non-sens politiques.", ce n'est pas exacte car n'oublions pas que "la politique, c'est la guerre continuée par d'autres moyens"!
Je trouve votre analyse tres fine comme a son habitude quoiqu'un detail de taille m'ait interpelé.
La violence dont vous accablez les forces de defenses israelienne est inexistente.
Avez vous vu les temoignages en images de l'intervention?( autre que ceux presentés dans ces medias trop subjectifs!)
Une des meilleurs unités de Tsahal, la Shayetet 13 , decide, apres nombre avertissement (appel radio), de debarquer sur le bateau arme dans le dos, les premiers arrivés sont accueillis a coup de baillonettes, on tente de les jeter par dessus bord etc.;.
Apres 10 minutes de lynchage, la permission de se defendre est accordée.
Alors certes , on n'attaque pas en eaux internationales mais le "massacre" tel que le presente le monde n'est que defense.
salutation , la feuille d'automne.
karim jbeili
03.06.10 | 15h15
L'Histoire vient de nous faire un clin d'oeil. C'est la chute de l'Empire Ottoman et la décision d'Ataturk d'arrimer la Turquie à l'Europe qui a permis toutes les manipulations occidentales en Palestine. Étrange retour du balancier de l'Histoire. La Turquie vient implicitement de renoncer à l'Europe et donne de façon très soudaine une coloration nouvelle plus manifestement régionale à la situation du MO. L'impuissance de l'Occident cède la pas à une gestion plus régionale.
http://www.slate.fr/story/22385/flotille-israel-turquie-gaza-diplomatie-strategie
Franchement, comparé aux articles parus dans de grands quotidiens que j'ai pu lire (Figaro, Monde, Libé, Le Matin, NYT)..., celui de sêtare est bien plus instructif.
Alors bien sur, on ne peut etre d'accord sur tout... mais Bravo ma belle. Comme souvent, un tres bel article